Un homme de 77 ans demande à la justice de désigner un expert judiciaire. En 2018, au hasard d’un examen médical, ce retraité apprend que son rein droit a disparu. Il cherche maintenant à savoir comment cet organe a pu devenir introuvable.
L’homme au rein introuvable a confié son dossier à l’avocate Alexia Navarro et à sa collaboratrice Astrid Proy. - Par LAKHDAR BELAÏD - Publié:2 Juillet 2020
En février 2009, J. F., 66 ans, pousse les portes d’une clinique lilloise. « Mon client vient se faire opérer en privé par un urologue pour une masse au niveau du rein droit, décrit Alexia Navarro, l’avocate du plaignant. Il subit une surrénalectomie. On lui retire une masse bégnine et il sort le 8 mars, non sans avoir souffert d’une petite poussée de fièvre après l’intervention. » L’homme opéré évoque un compte-rendu opératoire et un compte-rendu hospitalier selon lesquels « tout va bien ». En mars 2016, son médecin-traitant lui prescrit une échographie afin de voir comment traiter des problèmes urinaires. L’examen indique un « rein droit non visualisé » et interroge quant à un éventuel « antécédent de néphrectomie » (ablation du rein). En 2018, une autre échographie vient confirmer : « Le rein droit n’a pas été retrouvé ». Un uroscanner est demandé. Cette nouvelle analyse appuie les constatations précédentes : l’organe s’est évaporé.
« Une expertise amiable entre l’assureur de mon client et celui du chirurgien de 2009 est réalisée, rappelle Me Navarro. Elle constate qu’il n’y a pas eu d’autre intervention chirurgicale. Le patient ne présente qu’une seule cicatrice. » Le rapport met en avant un « accident médical non fautif ». « S’il s’agit d’un accident médical non-fautif, il n’y a pas de faute et donc pas d’indemnisations », décrypte Alexia Navarro. Cette dernière, à la demande de J. F., a donc saisi le tribunal judiciaire de Lille afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire. « Nous voulons uniquement savoir ce qui a pu se passer », insiste l’avocate lilloise.
« Nous nous sommes associés à la demande d’expertise », réagit Didier Robiquet, l’avocat du soignant, confirmant l’intervention de 2009 « au-dessus du rein en question ». « Mon client n’enlèverait pas un rein par inadvertance, s’étonne Me Robiquet. C’est un excellent praticien reconnu par ses pairs et n’ayant jamais eu un seul accident de sa carrière. » Le défenseur tente d’égrener des hypothèses : une dévitalisation, une détérioration de l’organe ? Et rappelle la position du professionnel de santé : « Je ne suis pas un débutant. Je n’enlève pas un rein sans m’en rendre compte. » À l’expert de démêler ce mystère…